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Locations de type airbnb : prise en compte des prestations de services accessoires pour retenir une qualification commerciale

L’activité de location de courte durée n’est pas de nature commerciale lorsqu’elle n’est accompagnée d’aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier.

Dans l’affaire qui était soumise à la Cour de cassation, une société civile immobilière, propriétaire de lots à usage commerciaux situés au rez-de-chaussée d’un immeuble en copropriété, avait assigné des propriétaires de lots à usage d’habitation situés en étages ainsi que le syndicat des copropriétaires, estimant que lesdits copropriétaires exerçaient une activité commerciale contraire au règlement de copropriété.

Les lots situés en étages étaient en effet confiés en gestion à une agence immobilière locale et proposés à la location meublée de courte durée.

La SCI estimait que l’activité de location meublée de courte durée constituait une activité commerciale en violation des stipulations du règlement de copropriété comportant une clause d’habitation bourgeoise ordinaire, prohibant toute activité commerciale, excepté au rez-de-chaussée.

La Cour d’appel saisie du litige avait considéré, que malgré cette clause, l’activité n’était pas interdite car elle ne pouvait être qualifiée de commerciale, faute pour le demandeur de démontrer que le bailleur fournissait à ses locataires trois des quatre services retenus par l’article 261 D du code général des impôts pour en permettre la qualification de para-hôtelière et, par conséquent, de commerciale.

Pour exclure la qualification d’activité commerciale, la Cour d’appel a procédé à une analyse précise des prestations réalisées dans le cadre des locations de courtes durées dont la cessation étaient réclamées, et relève que la société [ ]ne fournit pas automatiquement le linge de maison, de sorte que cette dernière ne cumule pas trois des quatre critères prévus par l‘article 261 D du Code général des impôts ; que la fourniture de services annexes tels que le ménage, les transferts vers l’aéroport, la fourniture de petits-déjeuners sont proposés de manière optionnelle par la société ; et relève enfin, que quand bien même l’activité commerciale de la société serait caractérisée, la SCI demanderesse ne démontre pas les troubles de voisinage occasionnés par ladite activité.

La Cour de cassation, abstraction faite des motifs relatifs au régime fiscal applicable aux revenus dégagés par cette activité, confirme la solution retenue par la Cour d’appel, qui avait pu « exactement déduire » des faits qu’elle avait souverainement relevés, que l’activité n’était pas de nature commerciale: « Ayant souverainement relevé que l’activité exercée par la société [ ] dans l’immeuble n’était accompagnée d’aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier, la cour d’appel en a exactement déduit que cette activité n’était pas de nature commerciale. »

L’activité qui n’a pas la nature de para-hôtelière n’est pas commerciale. Ainsi l’activité de location touristique sans prestation de service, ou de prestations de services mineures, est une activité civile.

Ce n’est pas la première fois que les juges s’attachent à examiner la nature des prestations de services accessoires proposées dans le cadre de la location de courte durée pour retenir ou exclure la qualification commerciale.

Déjà dans un arrêt rendu le 15 juin 2016 par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 15 juin 2016, n° 15/18917) il a été jugé qu’« une location en meublé n’est pas, en elle-même, contraire à la destination bourgeoise d’un immeuble, à moins qu’elle ne s’exerce pour des locations de courte durée avec fournitures de services annexes (ménage, fournitures de literie, transferts vers l’aéroport) qui apparentent cette exploitation à une activité commerciale et non plus civile, (…) ».

De même, dans un arrêt rendu le 20 mai 2020, la cour d’appel de Pau (CA Pau, 1re ch., 20 mai 2020, n°18/00052) a jugé que l’activité de location de courte durée devait être considérée comme de nature civile dès lors « qu’elle n’est accompagnée d’aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier, telles que celles consistant, comme l’établissent les offres de location versées aux débats, en la fourniture – optionnelle – de linge, d’un emplacement dans un parking public et/ou d’un nettoyage à la sortie, (…) ».

Dans cette affaire, l’activité de location de courte durée a néanmoins été considérée comme contrevenant à l’exigence de stabilité et de quiétude propre à l’occupation bourgeoise de l’immeuble fixée par le règlement de copropriété au regard de la multiplicité et de la rotation élevée des occupants.

Suivant un arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 23 mai 2023 (CA Grenoble, ch. 2, 23 mai 2023, n° 21/03445) les juges, là encore, mettent en avant le fait que « la preuve n’est pas rapportée que la location est accompagnée de prestations qui revêtent le caractère d’un service para-hôtelier, ce qui permettrait de qualifier l’activité de commerciale ».

Enfin, plus récemment, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 1er février 2024 (CA Aix-en-Provence, 1re et 7e ch., 1er févr. 2024, n° 20/10923) après avoir constaté que le règlement de copropriété n’interdisait pas l’exercice de profession libérale ou commerciale et n’avait donc pas uniquement une destination d’habitation, relève que « la location saisonnière pratiquée par Madame [Z] ne correspondant pas à l’exercice d’un hôtel meublé puisqu’il n’est pas démontré qu’elle pratiquerait les services minimum d’un hôtel (ménage quotidien et possibilité de changement de linge à la demande des clients, existence d’une réception qui permet un accueil autre celui constituant à uniquement réceptionner l’arrivée des clients). Il n’est pas démontré l’existence de prestations de services particulières ».

Il ne faut pour autant y voir ici un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation mais plutôt des précisions bienvenues pour apprécier la comptabilité d’une activité de location meublée touristique avec la clause d’habitation bourgeoise d’un immeuble en copropriété.

En effet, si la jurisprudence s’est faite, de plus en plus stricte, on rappellera que suite aux précédentes décisions marquantes en la matière avec les arrêts non publiés de 2018 et 2020, il n’y avait pas lieu d’en conclure pour autant que toute location touristique meublée était nécessairement une activité commerciale incompatible avec une destination d’immeuble bourgeoise. 

Il en est de même ici a contrario avec le présent arrêt : sauf pour une copropriété à démontrer des services para hôteliers significatifs, le caractère commercial en violation d’une clause bourgeoise n’a rien d’automatique. 

Outre les clauses propres à chaque règlement de copropriété, les conditions de la location elle-même restent ainsi prépondérantes, en ce compris l’existence ou non de prestations de services accessoires, pour retenir une qualification civile ou commerciale.

La réponse à la compatibilité de l’activité de location meublée touristique avec la destination bourgeoise de l’immeuble doit nécessairement faire l’objet d’une appréciation au cas par cas et dépendra de plusieurs facteurs : l’existence de prestations accessoires, le nombre de locaux loués par le même propriétaire dans l’immeuble, la fréquence des rotations, la localisation de l’immeuble, la régularité de la mise en location, le nombre total de jours de location du local par an, les nuisances et troubles du voisinage générés etc… 

C’est au juge du fond qu’il appartient de déterminer de façon souveraine au regard, d’une part des clauses du réglement de copropriété et des caractéristiques de l’immeuble, et d’autre part, des modalités d’exercice de la location touristique, si la location touristique meublée est compatible avec la destination de l’immeuble.

Cour de Cassation 3e ch. civ., 25 janv. 2024, n° 22-21.455

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